Carl André, le poète sculpteur

« L’histoire m’a fournit un sujet, mais elle ne m’a pas fourni de méthode. Mon travail tourne autour du plaisir …» Carl André

Lorsque vous cherchez quelque chose, vous pouvez le trouver. Et parfois ce petit quelque chose peut se trouver dans un livre, qui se trouve depuis 15 ans sur l’étagère du salon. Vous ouvrez le livre à une page au hasard, et là vous lisez des mots, vous les comprenez et vous les entendez … c’est comme si on vous délivrait un petit message pour vous dire que vous êtes dans la bonne direction … Ici j’aime partager avec vous mes lectures et mes trouvailles. Ici je note tous les mots importants. C’est une manière de les archiver et de laisser une trace sur mes recherches. Ce livre m’avait été offert par la documentaliste de la Maison Mode Méditerranée de Marseille, lors d’un stage, pour me remercier d’avoir participé et aidé à la réorganisation du centre de documentation de la mode.

 

Voici des extraits du livre, « Sculptor 1997 Carl André », ce catalogue a été édité par les Musées de Marseille à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue au Centre de la Vieille Charité du 13 septembre au 16 novembre 1997.

S’ADAPTER AUX DIMENSIONS DE L’ESPACE

S’APPUYER L’UN SUR L’AUTRE

CAPTER LE SOLEIL

EFFET DE VIBRATION D’ONDES

PERTURBATION DE LA SURFACE PLANE

EMPILAGE

DISPERSION

DISPOSITION MIS BOUT A BOUT

DIFFERENTES CONFIGURATIONS

LE BOIS

LA PIERRE

LES MÉTAUX

L’IMPORTANCE DES MOTS

 

Carl André utilise des structures modulaires, constituées d’éléments standard non transformés, non hiérarchisés, posés directement au sol et maintenus par la seule pesanteur. La configuration de chaque élément l’un par rapport à l’autre et de tous les éléments ensemble par rapport à un espace donné compose l’œuvre.

« Je voulais absolument saisir et tenir l’espace de la galerie, non seulement le remplir, mais le saisir, tenir cet espace … » dit Carl André.

La conjonction de l’œuvre et la place que celle-ci occupe sont essentielles ; la sculpture intègre l’espace et le redéfinit, mais le fait différemment d’un environnement : « Si je tiens à ce que la sculpture ne soit pas architectonique, je n’aime pas non plus qu’elle devienne un simple décor. A un certain moment, l’accumulation plastique cesse d’être sculpturale : elle perd sa spécificité et devient purement décorative, comme un papier peint ou un tapis. Entre ces deux extrêmes, il existe un point où l’œuvre fonctionne pour soi tout en étant située dans l’espace. C’est ce point-là que j’ambitionne d’atteindre ».

 

L’attention que Carl André porte à toute chose, et sa perception, si aigüe et si juste, de l’espace qu’il ressent, pourrait-on dire, physiquement, l’amènent à placer chaque œuvre comme si elle avait été conçue spécialement pour le lieu qu’elle occupe. Les matériaux, la lumière envahissent le musée … 

 

Carl André travaille avec jubilation, avec plaisir …

 

« Mes œuvres ne sont pas l’incarnation d’idées ou de conceptions. Elles sont, comme le dit William Blake, les traits du désir contenté. »

 

Les sensations particulières qui se dégagent de ses sculptures, que l’on obtient par le regard ou lorsqu’on les foule au pied …

 

« Je crois qu’il (le plaisir) est très lié à l’enfance : à la découverte que l’enfant fait du monde et au processus de différenciation entre le monde et l’enfant… »

 

Carl André était un poète avant d’être sculpteur.

« Il me semble que mon travail s’efforce en grande partie – peut-être inconsciemment – de préserver ou de restaurer une certaine appréhension pré-linguistique du monde. J’ai dû surmonter cette tendance académique et linguistique avant de faire un travail intéressant. »

 

Carl André dispose des mots sans grammaire ni syntaxe, il les utilise comme il utilise les matériaux dans sa sculpture, pour leur charge affective.

 

« Je crois que toutes mes œuvres on été conçues, à un degré ou à un autre, pour qu’un spectateur en fasse le tour ou marche le long d’elles … Pour moi, une sculpture est semblable à une route ; elle n’est pas faite pour être vue d’un endroit particulier. Les routes apparaissent et disparaissent. On les emprunte pour voyager, elles ne sont pas statiques, elles sont en mouvement, que l’on se déplace sur elles ou à côté d’elles, notre perception est en mouvement… »

Carl André recherche toutes les combinaisons possibles.

Son travail pourrait se résumer en un déplacement d’intérêt : intérêt, d’abord, pour une sculpture centrée sur la forme, puis évoluant vers la notion de structure, avant de privilégier la conception de lieu pour se polariser sur les matériaux.

 

« Placer des objets, c’est faire des entailles dans l’espace. Le lieu est le domaine fini d’une ou de plusieurs entailles introduites dans l’espace. » David Bourdon (A redéfinition of sculpture in Carl André).

 

« Mes œuvres ne sont pas des bâtiments ou des routes, mais on peut s’engager physiquement dans la majorité d’entre elles et les parcourir. Sensation corporelle et appréhension mentale ne sont pas des contraires, mais plutôt les pôles d’un continuum. »

 

« A mon sens, une sculpture devrait se prêter à une infinité de points de vue, sans qu’il existe un seul ou même plusieurs endroits d’où le spectateur l’appréhenderait. Oui c’est ça : pas d’unicité de perspective, ni de multiplicité non plus. »

 

« J’essaie de séparer matière et représentation. Chaque matériau possède ses qualités spécifiques sur le plan tactile, chromatique ou sonore. »

 

André a créé une œuvre poétique comprenant calligrammes, opéras et livres. En se servant du langage de la même manière que de ses matériaux, c’est-à-dire en passant par des configurations de « particules de langage », les mots.

Créateurs de poèmes et de romans depuis l’âge de douze ans, André avait d’abord eu le projet de devenir écrivain.

« J’étais sensibilisé à l’art de la poésie avant celui de la sculpture. Chacun fait appel à une partie précise du cerveau. La poésie, c’est le langage structuré par un art distinct, en règle générale la musique. Moi, j’ai voulu structurer le langage selon notre sens visuel et, en quelque sorte, selon l’arithmétique. »

« Les chiffres ont ceci d’utile, qu’ils peuvent se succéder, les uns après les autres, tout en laissant dénombrer séparément. » David Bourdon

L’arithmétique introduit de la mesure, du rythme et de la proportion dans le travail d’André, elle créé des rapports réciproques entre les particules qui constituent une œuvre donnée ou entre les « familles » d’œuvres, en ce sens qu’il s’agit à la base du même type de nombres : pairs, impairs, premiers, cardinaux, entiers … Les nombres n’ont pas d’autre sens au sein de son travail et ne doivent pas être assimilés à un système.

En ce qui concerne les matériaux, son choix est déterminé par son environnement et par les « moyens de production » dont il dispose.

« Mes éléments sont tous, plus ou moins, des indicateurs économiques, puisque j’ai pris le parti d’utiliser les matériaux de la société sous une forme dont la société n’a pas besoin. »

Pour André toute oeuvre d’art véritable, une fois montrée au public, devient un fait de société. La condition humaine est déterminée par l’ensemble des facteurs sociaux, économiques, politiques, philosophiques, etc, qui influent sur notre environnement.

« Je trouve que ma plus grande difficulté, l’aspect le plus douloureux et le plus difficile de mon travail, est de vider mon esprit, de le débarrasser de tout ce fardeau de significations que j’ai absorbées, dues à la culture ambiante, de toutes ces choses qui semblent avoir un rapport avec l’art quand, justement c’est tout le contraire. C’est là le seul aspect du terme « art minimal » qui pour moi a toujours été au premier plan et qui fait que je me suis toujours considéré comme artiste minimaliste. Il faut absolument se débarrasser des filets de sauvetage, des certitudes, des idées préconçues, pour se mettre à quelque chose de plus proche, qui ressemble à une sorte de vide. Pour ensuite reconstruire à partir de cette situation réduite. C’est peut-être une autre façon de rechercher l’art pauvre, il faut appauvrir son propre esprit … »

« J’imagine un graphique ou une carte comportant trois vecteurs dont l’intersection représente la rencontre de trois lignes de force. Le premier vecteur est ma situation subjective, mon histoire personnel, mes besoins et mes talents, quelles que soient les conditions préalables pour devenir artiste. Le deuxième vecteur, que je qualifie de spatial, est la situation objective et physique dans laquelle je travaille, les qualités et les propriétés des matériaux et du monde matériel : les lois de la pesanteur, de la matière, etc, auxquelles nous sommes tous assujettis. Le troisième vecteur est celui de ma situation économique : les frais de déplacement, la disponibilité des matériaux, l’approvisionnement et l’énergie nécessaires à la réalisation d’un projet. »

« Peut-être suis-je l’ossature de la sculpture. Peut-être Richard Serra en est-il la musculature mais Eva Hesse en est le système nerveux et le cerveau qui se projette loin dans le futur … »

« La nature contient les éléments. L’artiste naît pour choisir ses éléments, pour les rassembler savamment en vue de susciter de la beauté, tout comme le musicien rassemble ses notes pour créer ses accords. Là encore l’on trouve une base. L’on utilise la forme comme le musicien utilise les sons. L’on n’imite pas le cri du pigeon – du moins on ne se borne pas à cela – on combine ses propres sons, ses propres formes, on les arrange en fugues, ou en jeux de couleurs, ou encore en rapports de plans entre eux. » Ezra Pound

« Au lieu de chercher à contrer l’exploit d’avoir transformé la matière en énergie, je voulais atteindre une transformation analogue de matière en énergie artistique. »

« L’art vous permet de créer quelque chose qui n’a jamais existé auparavant. »


                                                                                                                                          Carl André

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