«La galerie ne subsiste que par l’intérêt suscité par notre mouvement.
Le groupe constitue une sorte de bouillon de culture.
Ce sont nos idées qui ont valu à la galerie le titre de gloire de galerie de combat.
Pour en profiter, il faudrait assurer la permanence de la diffusion de son esprit et assurer l’arrivée des renforts, c’est-à-dire assurer la place aux jeunes générations montantes.» Vasarely en 1952
Dans la vie, il n’y a pas de hasard, il y a des rencontres, des portes qui s’ouvrent et des découvertes grandioses. Le 15 septembre 2021, j’ouvrais la porte de la Galerie Denise René pour la première fois. C’était l’émerveillement, un sentiment d’admiration mêlé de surprise. C’est à ce moment là que j’ai eu l’occasion de rencontrer le directeur de la galerie, de m’entretenir avec lui. C’était le coup de foudre ! Il a suffit d’une discussion passionnante avec lui pour activer un processus artistique dans mon esprit. J’ai été subjugué par les œuvres exposées et par ce monsieur, son discours, sa passion pour défendre l’abstraction géométrique et cinétique. Il raconte si joliment le travail des artistes qu’il défend intelligemment. Il m’avait parlé du travail de l’artiste Pe Lang, que la première fois qu’il l’avait rencontré, il n’avait pas de connaissances sur l’histoire de l’art. Donc ce galeriste est une personne qui n’a pas peur de construire un projet avec une artiste inconnu.
Aujourd’hui je continue d’étudier le combat de cette femme courageuse, entreprenante, obstinée, intrépide, qui a su défendre et protéger ses artistes pionniers de l’abstraction géométrique et cinétique. Denise René avait définit les raisons qui font qu’une œuvre l’intéressait ou non, elle estimait que, c’était indéfinissable. C’était un ensemble et un apport de forces, de sensibilités mêlées, que l’oeuvre doit toujours apporter un univers nouveau, de l’inattendu, et de l’émotion.
Etant curieuse et ayant la soif d’acquérir des connaissances et des expériences qui poussent à questionner, je poursuis toujours une recherche sur les artistes de la galerie Denise René pour connaître leurs réflexions, leurs concepts, leurs méthodologies et leurs pensées artistiques. Finalement toutes ces découvertes enrichissantes m’incitent à approfondir, à écrire et essayer d’interpeller l’héritier et directeur de la galerie Denise René. Le 13 janvier 2022, je lui écris la première lettre bleue où je cite une citation de Vasarely, en joignant des croquis dessinaient spontanément sans réfléchir à ce que je faisais mais c’était plus fort que moi, je savais que je devais le faire. C’était culotté de faire ça :
Voici la citation que j’avais choisi : « Pourquoi comparer ?
On ne compare pas une planche de sérigraphie avec l’original : ce sont deux-choses différentes.
L’artiste signe telle ou telle re-création. Je signe. C’est cela qui compte. » Victor Vasarely
Le 21 Janvier 2022, j’ai reçu un mail du directeur de la Galerie Denise René qui m’écrivait :
Madame,
Je vous remercie pour votre mot et vos dessins que vous m’avez déposé à la galerie. Vous avez un travail d’une part assez construit et une peinture résolument « tachiste ». D’ailleurs vous expliquez bien vos états de transes qui, sans que vous décidiez consciemment quoique ce soit, conduisent vos peintures. C’est là une grande différence avec l’art abstrait géométrique qui est un art de la réflexion et de concepts maîtrisés par l’artiste pour lui permettre d’exprimer sa pensée. Je vous remercie pour l’attention que vous portez à l’art que nous défendons ; vous êtes bienvenue pour visiter nos expositions.
Cordialement
Denis Kilian
Il m’a fallu beaucoup de temps, de recherches, de lectures, de réflexions pour comprendre ses mots. Et grâce à cette phrase, j’ai osé écrire à un grand artiste qui est devenu mon mentor, et je lui ai posé ces deux questions : Comment faire de l’abstraction géométrique ? Dois-je apprendre des théories en mathématique ?
Il m’a expliqué que le concept de son travail est au-dessus du mouvement géométrique dans sa vision personnelle, et qu’il n’a pas de concept scientifique. Il assemble l’art et les exigences de dépassement, transcendantale, comme une opportunité d’élévation. Il m’a confirmé qu’il connaît très bien la théorie et l’histoire de l’art et qu’il suit sa propre perception. Il m’avait conseillé de suivre ma perception, en me disant que ce que je faisais été le bon chemin. C’est à ce moment là que j’ai compris qu’il me fallait un sujet, une réflexion et un cheminement. Je devais me constituer un référentiel. Alors j’ai étudié, comme un détective, les artistes de la galerie Denise René.
Et j’ai lu les propos de Denise René qui disait : « Je ne peux pas dire que ma voix était tout de suite tracée. C’est un parcours de recherche de talents nouveaux. Mon désir était surtout de fuir les terrains battus et de m’éloigner de ce qu’était l’école de Paris, c’est-à-dire tout à fait influencée par les grands maîtres de l’époque – et de trouver ma direction. Je me souviens de mes visites aux premiers salons de mai et d’automne, à la Libération. Il devait se passer ailleurs quelque chose qu’on ignorait, mais quoi ? Je voulais du neuf. Voilà pourquoi ma première exposition fut consacrée à Vasarely. C’était un chercheur. Puis j’ai présenté d’autres artistes parce qu’ils étaient insolites, différents, nouveaux. En un clin d’œil, devant ces œuvres strictes, austères, ma voie semblait tracée. »
L’historien de l’art et critique d’art Français Pierre Restany a écrit sur Denise René : »Au début, elle leur a fait un peu peur. Ensuite, elle les a gênés, puis ils ont pressenti très vite qu’elle allait être dépassée par les évènements ; alors, à partir de ce moment-là, s’est produite une sorte de conspiration du silence, si l’on peut dire. Je suis désolé de reprendre des métaphores qui peuvent paraître cyniques et cruelles, mais elle a commencé à faire figure de l’émigrante qui n’a pas réussi et qui importune. Elle a voulu s’entêter, elle a failli être totalement victime de son expérience américaine. Elle s’en est tirée avec beaucoup de difficultés et elle en est certainement sortie profondément blessée dans son capital d’énergie. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’elle ait gardé cette force et cette croyance en elle-même. Elle est passée par une expérience qui aurait pu lui faire perdre ses convictions et c’est tout à son crédit qu’elle ait résisté à cette erreur de stratégie et d’interprétation du milieu américain. Elle a pris beaucoup de risques et les a assumés. C’est extrêmement admirable. »
Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication de mai 2002 à avril 2004, est l’artisan de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon, qui pilote la mise en autonomie des musées français, et mène une politique de décentralisation de la culture qui se concrétise avec la création du Centre Pompidou-Metz et du Louvre-Lens. Il est également le conseiller des affaires culturelles de François Pinault. Ce monsieur a écrit sur Denise René : « Il est des projets qui conduits non seulement avec satisfaction mais, bien plus, avec bonheur, quand l’attachement qu’on porte à ceux qu’ils concernent ajoute encore à leur valeur artistique et historique. La personnalité de Denise René, qui a fait de sa vie une aventure dans un engagement partagé avec les artistes, au rôle déterminant qu’elle a su exercer sur la scène artistique française et internationale au cours de ces dernières décennies dans les domaines de l’art abstrait. Elle était une sorte de passeur entre l’univers intime du créateur et le monde, ouvert, de l’art. »
Qu’est ce que l’on fait MAINTENANT ?
Nous n’avons rien à craindre, nous pouvons être serein pour l’avenir du nouveau combat de Denise René. Votre tante et vous, vous avez réussi à garder la création de la « valeur » car vous jouissez d’une indiscutable renommée. Bien sûr ce n’est pas une carte gagnante parce qu’il faut encore secouer la routine du marché et aller conquérir le monde à nouveau. L’art est en permanence en évolution, il reflète l’effervescence intellectuelle. Il serait intéressant de jouer un rôle d’information important et déterminant, se replacer stratégiquement, avoir une vision plus avant gardiste et chercher à s’imposer par l’étonnement. Parce que les personnes qui sont ainsi des pionniers et qui ont une vision deviennent de plus en plus importantes pour l’avenir. La nouvelle image du combat de Denise René devra être étudié, disséqué, analysé minutieusement et méthodiquement dans toutes les parties de la structure.
Si je dois suivre la recette de cuisine de la grand-mère Denise René, je ne dois pas oublier qu’elle n’était pas une marchande mais une militante. La capacité de mener les idées virus est plus importante. Si on vise l’ordinaire, ce n’est pas intéressant. J’espère avoir la chance de poursuivre son combat, de devenir une artiste qui saura répandre son empreinte, en suivant respectueusement une nouvelle vision de l’abstraction géométrique et cinétique.
Je souhaite assurer la permanence de la diffusion de l’esprit de Denise René et proposer une idée dans la continuité et des actions concrètes avec l’intelligence collective des artistes vivants et perpétuer la diffusion de cette tendance. Pour impulser à nouveau le combat de Denise René, il faut l’atout d’une équipe, l’esprit et l’impulsion de groupe comme le GRAV par exemple mais d’une manière complètement différente. Créer un électrochoc pour que chacun puisse désirer le changement et se l’approprier !
© Estelle Bellin 2024