« Atomes mêlés, brasier de baisers, enveloppant total,
extase de ta seule existence, je dors avec toi, baignant dans ta lumière, notre petite chambre se rapproche des conditions du soleil.
Indicateur de la ligne du ciel. »
Jean Pierre Luminet
L’étoile noire se transforme. C’est l’envolée brutale. Elle est libre, d’esprit de pensée et d’action. Plaisir vif et délicat, jouissance pleinement goûtée. Tu respires avec délice le parfum de ton âme. La justesse de ton équilibre nous entraîne dans la volupté des bords de ta douleur. Tu es délicieuse, délicate, d’une douceur exquise. Ton mouvement nous encercle pour embrasser nos cœurs.

Vers un désir d’approfondir la matière musicale, c’est là où la magie opère. Privilégiant la tension de la dissonance au profit de la pureté de la consonance.
Voici des notes trouvées pour mon étude sur le compositeur Gérard Grisey et l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet sur le noir de l’étoile et la musique d’un pulsar. Cela m’a amené à retranscrire artistiquement en peinture lyrique :
Alors comment le « faire » musique, et ainsi l’édifier en une œuvre musicale ?
Initier une musique « spectrale », qui a pour base les caractéristiques même du son. Le spectre, et ses harmoniques naturelles, diffractées, contractées, dilatées, travaillées parfois à l’extrême. Opèrer sans cesse des allers-retours entre deux états. Au départ, il y a « l’harmonicité ». Un état stable, souvent allié à des nuances douces, à des modes de jeu simples et à des rythmes réguliers, qui s’apparente en fait à une certaine idée de la consonnance. Puis progressivement, dans un processus calculé et réglé par les lois de la physique, le compositeur s’échappe de cette douceur relative, aboutissant ainsi progressivement à « l’inharmonicité », utilisant des spectres déformés, des modes de jeux tendus, des sons brisés, écrasés ou arrachés. Comme un négatif du spectre entendu au début de l’œuvre. Pratiquement chaque composition, dans une forme de lent développement, un rituel de la couleur et de la lumière. Le spectre va d’abord résonner au travers de tous les instruments, dans une sidérante irisation, pour progressivement muter, se désagréger, et se reconstruire à la fin de l’œuvre. L’artiste intègre, digère, réinvestit et réinvente.
A découvrir et à regarder les vidéos sur «le noir de l’étoile» de Gérard Grisey et Jean-Pierre Luminet :
«Lorsqu’en 1985, je rencontrai à Berkeley l’astronome et cosmologiste Jo Silk, il me fit découvrir les sons des pulsars. Je fus séduit par ceux du pulsar de Véla et immédiatement, je me demandai à la manière de Picasso ramassant une vieille selle de bicyclette : Que pourrais-je bien en faire ? La réponse vint lentement : les intégrer dans une oeuvre musicale sans les manipuler, les laisser exister simplement comme des points de repère au sein d’une musique qui en serait en quelque sorte l’écrin ou la scène, enfin utiliser leurs fréquences comme tempi et développer les idées de rotation, de périodicité, de ralentissement, d’accélération et de « glitches » que l’étude des pulsars suggère aux astronomes. La percussion s’imposait parce que comme les pulsars, elle est primordiale et implacable, et comme eux cerne et mesure le temps, non sans austérité. Enfin, je décidai de réduire l’instrumentarium aux peaux et métaux à l’exclusion des claviers. Lorsque la musique parvient à conjurer le temps, elle se trouve investie d’un véritable pouvoir chamanique, celui de nous relier aux forces qui nous entourent. Dans les civilisations passées, les rites lunaires ou solaires avaient une fonction de conjuration. Grâce à eux, les saisons pouvaient revenir et le soleil se lever chaque jour. Qu’en est-il de nos pulsars ? Pourquoi les faire venir ici, aujourd’hui à l’heure où leurs passages dans le ciel boréal les rend accessibles ? Bien sûr, nous savons ou croyons savoir qu’avec ou sans nous, 0359-54 et le pulsar de Véla continueront leurs rondes interminables et, indifférents, balayeront les espaces intersidéraux de leurs faisceaux d’ondes électromagnétiques. Mais n’est-ce pas en les piégeant dans un radiotélescope, puis en les intégrant dans un événement culturel et sophistiqué – le concert – qu’ils nous renvoient alors plus que leurs propres chants ?


En effet, le moment du passage d’un pulsar dans le ciel nous astreint à une date précise et en rivant le concert sur cette horloge lointaine, il devient un événement in situ, plus exactement in tempore donc relié aux rythmes cosmiques. Ainsi, les pulsars détermineront non seulement les différents tempi ou pulsations du Noir de l’Etoile, mais également la date et l’heure précise de son exécution. Musique avec pulsar obligé !
Que l’on n’en déduise pas cependant que je suis un adepte de la musique des Sphères ! Il n’est d’autre Musique des Sphères que la Musique Intérieure. Celle-là seule pulse encore plus violemment que nos pulsars et oblige de temps à autre un compositeur à rester à l’écoute.
Et je soulignerai en outre : L’aspect inouï et irremplaçable de l’arrivée en direct dans le lieu du concert de ces impassibles horloges cosmiques qui ont franchi plusieurs années lumières… Leur confrontation inattendue à une musique qui non seulement prépare leur « entrée » sur une scène musicale et théâtrale mais dont toute l’organisation temporelle provient de leur vitesse de rotation… Leur intégration à une musique spatialisée par la position des six percussionnistes et des haut-parleurs autour des spectateurs… La mise en scène et la mise en lumière de ces étoiles éteintes au moyen de projections et d’éclairages appropriés… Le caractère à la fois musical, visuel, théâtral mais aussi festif et didactique d’un événement émouvant et exceptionnel.» Gérard Grisey
La métamorphose de l’étoile noire est productive. Elle permet de penser, de regarder, l’interprétation musicale, la mise en scène de toutes ces danses lumineuses. Ma circonlocution pédagogique, mon humour, une méthodologie artistique … Finalement cette métaphore a une portée qui sert à découvrir, à modéliser mes idées mais elle n’a pas de vérité en tant que telle bien évidemment. Je m’amuse, j’interprète tout et analyse à la loupe le langage des étoiles dans le ciel. Elles sont mouvantes. Je découpe en petits morceaux, j’articule et contourne la facette miroitante de l’esprit des étoiles en peinture lyrique. Ma sensibilité réussit l’effet de belles expériences :



© Estelle Bellin 2023