«Laurent Bolognini est un sculpteur. Son œuvre est issue de l’Art Optique initié au tournant du XXème siècle par Marcel Duchamps et développé par Julio Le Parc. Travaillant avec la lumière, les sculptures oscillent entre rêverie et technologie afin d’interroger la réalité de la condition humaine. Créant des effets de vision persistants, les lumières tourbillonnantes créent des formes imprimées évocatrices et poétiques sur la rétine de l’œil. L’artiste crée ainsi une nouvelle matière picturale entre sculpture et chorégraphie lumineuse.»
Laurent Bolognini, emmène le spectateur dans une déambulation immersive à la fois augmentée par ses jeux de diffraction de lumière, et virtuelle par la découverte de nouvelles dimensions spatiales entre le rêve et la réalité. La définition de la diffraction est « le comportement des ondes lorsqu’elles rencontrent un obstacle ou une ouverture ; le phénomène peut être interprété par la diffusion d’une onde par les points de l’objet. La diffraction se manifeste par des phénomènes d’interférence. » Grâce à lui on voyage dans l’espace temps. Il nous balance, par le mouvement de la lumière sur un jeu de la persistance rétinienne, dans le passé, dans l’avenir mais il réussit à nous figer dans le présent. Il nous oblige à nous arrêter, à regarder, à écouter, à vivre l’instant présent. Savoir reconnaître la valeur de ce qui nous entoure. Il s’agit de laisser le passé derrière nous et de ne pas penser encore au futur, mais de vivre pour l’instant présent. La notion du temps est importante puisqu’elle permet de mesurer et d’observer notre lâcher prise. Laurent Bolognini rend la lumière fluide, rien ne le limite dans l’expression de son art.
Dessin, croquis et l’œuvre de Laurent Bolognini
« C’est la concrétisation de notre perception du monde en formes d’espace et de temps,
qui apparaît comme le seul but de notre création plastique. » Antoine Pevsner
Laurent Bolognini a réussi une prouesse géométrique en renversant la quadrature, il a fait entrée le cercle dans le carré. La définition de la quadrature du cercle est « un problème classique de mathématiques apparaissant en géométrie. Il fait partie des trois grands problèmes de l’Antiquité, avec la trisection de l’angle et la duplication du cube. Le problème consiste à construire un carré de même aire qu’un disque donné à l’aide d’une règle et d’un compas. La quadrature du cercle nécessiterait la construction à la règle et au compas de la racine carrée du nombre π, ce qui est impossible en raison de la transcendance de π. Ne sont constructibles que certains nombres algébriques. Ce problème impossible à résoudre a donné naissance à l’expression « chercher la quadrature du cercle », qui signifie tenter de résoudre un problème insoluble. De plus, ce problème mathématique est celui qui a résisté le plus longtemps aux mathématiciens. Ils ont mis plus de trois millénaires à étudier le problème, reconnu comme insoluble par Ferdinand von Lindemann en 1882. »
Bolognini, Résonnance 5, 2014, Aluminium, altuglas, carbone, moteurs électriques, 80x80x26 cm, Galerie Denise René.
Il a su également concrétiser de magnifiques œuvres. Il a le sens du beau, de la précision, de la justesse de l’équilibre, de la maîtrise de la mécanique, du matériau et d’une haute sensibilité lumineuse. Il a la capacité d’entrevoir des possibilités là où les autres n’en voient pas ou, dans d’autres termes, la vision. Il a su s’émanciper face aux contraintes qui le conditionnaient parfois avec les galeristes vendeurs de cravates qui n’étaient tournés que sur l’aspect rentabilité d’un système sociétal qui étouffe les artistes. Il a un caractère émancipateur qui transmet chez le spectateur le même sentiment de liberté et favorise grâce à son art l’émergence d’une nouvelle conscience. Toutes ses inventions formelles, son abstraction lumineuse est un état d’esprit, définitivement progressiste, optimiste et humaniste. Il a trouvé l’harmonie, l’équilibre, la stabilité, quand on regarde l’esthétique et l’aplomb de ses sculptures. Il impose et renforce une liberté. C’est un artiste généreux qui profite à la société tout entière. Aujourd’hui Laurent Bolognini doit se remettre en état de faire pour aller plus loin et exploser comme Jean Tinguely. D’ailleurs c’est Nicolas Schöffer qui disait : «les professionnels de l’art ce sont les artistes. Ce sont eux qui font de l’art et qui font l’Art. Chacun d’eux fait son cérémonial qui permet ensuite à tout le monde de contempler leur action créatrice et d’en jouir. L’artiste ne doit pas seulement EXPOSER, mais S’EXPOSER et, s’il le faut, EXPLOSER comme a réussi à le faire Jean Tinguely .»
Jean Tinguley a réussi à exploser et il nous l’a démontré avec son œuvre de «La Vittoria», un gigantesque pénis d’or installé devant le Dôme de Milan, ensuite détruit d’une manière spectaculaire par le feu d’artifice. Ainsi, il érige un symbole fort de pouvoir phallique qui demeure en même temps fragile et renversable. C’était sa manière à lui de s’opposer à un système. Il n’était pas anarchiste pour rien. L’artiste est un messager, il doit être pédagogue. D’ailleurs le poète Armand Robin définit «l’anarchiste» comme celui qui est « purifié volontairement, par une révolution intérieure, de toute pensée et de tout comportement pouvant d’une façon quelconque impliquer domination sur d’autres consciences». L’art c’est le partage, comprendre et favoriser l’entraide. Laurent est un artiste dans le partage, l’écoute, la bienveillance et dans la passation.
« Echanger et travailler avec une autre personne, c’est très stimulant. Mêler ses compétences à celles d’un architecte, d’un artiste, d’un designer, d’artisans, ça ouvre un dialogue qui fait évoluer les formes. Or, j’aime ne pas savoir d’emblée où je vais. Je donne une impulsion, puis l’œuvre vit sa vie. J’en perds le contrôle ». Laurent Bolognini
Le principe de l’art est un échange, et les œuvres sont des propositions.
Le « Principe d’équivalence » comme le disait si bien l’artiste Robert Filliou (entre le « bien fait, mal fait et pas fait »), le Territoire de la République Géniale, toutes ces propositions artistiques vont dans le même sens : «L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. »
Il y a aussi le philosophe Philippe Sers qui dit : “Une oeuvre d’art n’est pas belle, plaisante, agréable. Elle n’est pas là en raison de son apparence ou de sa forme qui réjouit nos sens. La valeur n’est pas esthétique. Une oeuvre est bonne lorsqu’elle est apte à provoquer des vibrations de l’âme, puisque l’art est le langage de l’âme et que c’est le seul.”
J’ai commencé à échanger avec l’artiste en mars 2022, à l’époque il m’avait conseillé d’aller voir une de ses œuvres exposées « Electra II », à l’exposition Révolutions Xenakis au Philharmonie de Paris. » C’était la première fois que je découvrais son travail. Surprise, je n’avais jamais observé un catalyseur qui déclenche en moi une réaction énergétique et hypnotique par sa seule présence. Une impulsion de vie qui nous fige dans l’instant présent. J’étais époustouflée, paralysée, épatée, abasourdi. J’avais le souffle coupé. J’étais sous le charme de l’articulation de la lumière dans son œuvre dont je ressentais la vitesse du bruissement du vent et la combustion d’une puissance en mouvement qui mélange grâce étincelante. Je suis tombée amoureuse de son travail et j’ai commencé à l’étudier, à ouvrir un dialogue avec l’artiste, à découvrir son caractère, ses inspirations, son univers, sa manière d’observer le monde … C’était la naissance d’une grande amitié. J’aime profondément l’artiste et son art, j’admire son talent et je suis très heureuse d’avoir pris le temps d’analyser son art et de partager avec vous mes observations dans une globalité qui n’est qu’un point de vue personnel. Je ne fais qu’ouvrir les portes, ouvrir les voies comme des ailes aux rêves. Et j’espère que vous serez aussi admiratif que moi en saisissant la brillance de l’éclat de son âme.
«Jouant sur le phénomène de la persistance rétinienne, ces machines hypnotiques permettent la création
d’œuvres virtuelles dans l’espace réel. La lumière mise en mouvement imprime sur l’œil du spectateur
des figures géométriques qui changent de couleur en s’effaçant tandis qu’un nouveau dessin se superpose déjà aux premiers.»
«Dans la mouvance de grands artistes tels que Jean Tinguely, Dan Flavin, François Morellet Marcel Duchamp, … Ses recherches s’inscrivent donc dans la continuité des pratiques cinétiques et lumineuses qui ont émergé au début des années soixante. Et ses œuvres, qui souvent se ressemblent, sont pourtant très différentes les unes des autres. On y voit parfois la représentation d’infimes particules, parfois l’évocation de lointaines étoiles. L’extrême vitesse des moteurs aidant, se sont des dessins qui impriment nos rétines. Les spectacles de Laurent Bolognini émergent de l’invisible en tirant partie de la limite de notre vision, de sa relative imperfection qui sied toutefois aux cinéastes. Les circonvolutions de lumière étant aussi lisses que celles d’électrons ou de lunes. Ce sont en effet de petites expériences de laboratoire que l’artiste réalise dans les espaces de galeries ou musées, entre l’art et les sciences ! Car si l’art numérique est une tendance, c’est aussi une composante du corpus des relations art/science qui se cristallisait déjà dans les courants humanistes florentins de la Renaissance.»
Voici quelques influences de l’artiste :
«Je suis sur un terrain d’expérimentation de voies inédites, intégrant les acteurs à un univers d’effets sonores, visuels, jouant sur la vibration rétinienne du spectateur. Une véritable exploration des modifications de la perception, proche de l’expérience des drogues hallucinogènes, de la contre-culture psychédélique.» Laurent Bolognini
C’est là que Laurent Bolognini a toutes les qualités d’élargir son champ d’exploration dans des œuvres et d’explorer, avec l’aide d’une équipe de collaborateur, la science et l’étude de la théorie du chaos et de l’harmonie, de l’ astrophysique, de l’astronomie, basée sur la physique et la chimie, laquelle consiste initialement essentiellement à mesurer et expliquer les mouvements des astres. L’œuvre jouera sur la tonalité du cosmos, faite de vibrations stellaires. Il faut sonder l’intérieur des étoiles grâce à la sismologie. Ce que l’on appelle la sismologie stellaire, ça consiste à analyser les ondes sismiques qui animent les étoiles en vue de recueillir des informations sur leurs structures internes. Laurent Bolognini sera capable de capter artistiquement et de manière lumino cinétique, le son du violon (l’étoile) et, à partir de là, comprendre comment le corps du violon résonne et comment l’archet (le bras) le stimule. Par exemple Estelle Bellin avec sa peinture lyrique peut amener à expliquer, d’une manière abstraite, comment le bras du violoniste force l’archet et comment il est constitué. Il faut écouter des ondes lumineuses retranscrites en ondes sonores. Certains appellent cela aussi le chant de lumière. Ecouter ces sons peuvent aussi nous conduire à vivre l’overview effect (l’effet de surplomb) vécu par les astronautes, cet effet produit par la vision de la terre depuis l’espace. Connexion cosmique garantie. L’univers et les astres vous attendent, détachez vos ceintures et libérez la transe cosmique !
Estelle Bellin
* Réflexion sur le travail de Laurent écrit en juin 2022.
Laurent a réussit à transcender son art avec une performance musicale :
« Electra », Concert performance de Fabrizio Rat, Etienne Jaumet et Laurent Bolognini.
Une collaboration inédite entre piano extatique, synthés modulaires et installation luminocinétique. MacVAL, Nuit européenne des musées 2023.
© Photos de Laurent Bolognini 2024