« L’art est insensé et – comme tout – non dépourvu de sens.
La technique n’est rien, le rêve est tout.
L’unique chose stable c’est le mouvement, partout et toujours. »
Jean Tinguely
La folie peut être passagère ou chronique, latente ou foudroyante, héréditaire ou provoquée. Elle peut être l’expression d’une démesure comme « la folie des grandeurs », ou un simple penchant, comme « la folie douce ». Elle peut être « guerrière » ou qualifier un sentiment aussi fort que « l’amour fou ». Victor Vasarely disait que «la création est l’équivalent intuitif du savoir. Et les idées des artistes sont à la fois rétrospectives et prospectives.»
Plongeons dans l’univers génial de Jean Tinguely :
Notes sur Jean Tinguely :
« Ce précurseur artistique dans le domaine de la performance avait aussi innové en mettant le visiteur au centre de ses créations. Des machines délirantes, provocantes, pleines de cliquetis et de sonorités étranges, qui crachent parfois de l’eau, comme la fontaine Stravinsky réalisée en 1983. C’est tout le génie de Jean Tinguely, l’artiste de l’action, voire du déséquilibre, qui aimait à dire qu’il était un artiste du mouvement. «J’ai toujours été proche de la mort, parce que dans le mouvement il y a toujours la panne, le pépin, l’arrêt. Je travaille avec l’éphémère, j’organise l’éphémère, parce que travailler avec le mouvement c’est rien d’autre que d’organiser l’éphémère, on redevient la vie.»
Il posait vraiment la question du sens de l’art. Sa fameuse machine «Eurêka». Surprenante, conçue, comme toutes les autres, avec des matériaux de récupération, des fils de fer, des boîtes de conserve, elle est aussi une forme de critique de la société de consommation. A partir de là, il ne va cesser de bouleverser les esprits avec ses grandes machines «qui ne servent à rien». Il dérange, provoque, pousse chacune et chacun à retrouver son âme d’enfant.
«On se sert de moi comme d’un artiste de récupération super noble. Je ramène la saloperie de cette civilisation, je ramène vie dans les musées dans la gueule de cette civilisation pour les provoquer évidemment, pour leur faire choc. Avec des ferrailles, j’ai réanimé à partir de moteurs misérables pour faire se branler tout ce bazar.»
Et sa mère lui disait «Comment est-ce possible qu’un garçon aussi intelligent que toi puisse faire des bêtises pareilles ? » »
Tinguely, c’est du grand art dans le sens qui touche aux grands mythes de l’eau, du sexe, de la mort, la machine, la vie. C’est plus que de l’art, c’est un constat de la société où l’on s’auto flagelle constamment. C’est le fait-de constater une certaine faillite des grands objectifs ! Tinguely, c’est plus que de l’art !
Nous sommes encore dans la tragédie et dans un contexte d’une économie de marché de plus en plus dévastatrice. Il est absurde de continuer de résonner en termes d’opposition haut/bas, positif/négatif, ou noir/blanc. Il s’agit bien plus désormais de se situer dans l’expérience, la construction d’un art « FORT » où l’artiste est un bricoleur génial. Il témoignera toujours d’un esprit inventif, imaginatif, avec des procédés ingénieux. Soyons dans la construction constante, d’une conscience de soi et de « l’AUTRE ». Ne soyons pas « EGOISTE » et « INDIVIDUALISTE ». Et c’est ce que démontre l’art de Jean Tinguely, Calder, Victor Vasarely, François Morellet, Nicolas Schöffer …
Si on regarde les sculptures en fil métallique de Jean tinguely, l’artiste remet en question l’académisme de l’art, créant des machines construites en partie avec des objets de récupération, sciemment imparfaites, s’opposant aux cultes de l’objet neuf et pratiquant le recyclage déjà utilisé avant lui par l’art brut. Il redonne vie aux matériaux de récupérations. Avec l’art, le champ des possibles est infini. Cela rejoint une belle citation de Ernest Hemingway qui disait : «Plutôt que de penser à ce que tu n’as pas, pense à ce que tu peux faire avec ce que tu as.»
Voici un entretien de Jean Tinguely que j’adore et une vidéo incontournable à regarder sur l’immensité de leurs œuvres et l’histoire d’amour de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely.
© Estelle Bellin 2024